En 1983, le comédien britannique Jasper Carrott partage pour la première fois la blague suivante : « Ringo n’est pas le meilleur batteur du monde. Il n’est même pas le meilleur batteur des Beatles. »
Les rumeurs sur la supposée incompétence de Ringo à la batterie avaient commencé bien plus tôt et s’étaient amplifiées en 1980 lorsque John Lennon, peu avant de mourir, avait publié une interview dans le magazine Playboy.
Au cours de cette interview, John fait l’éloge du talent de Ringo : « … quelle que soit l’étincelle en Ringo que nous connaissons tous sans pouvoir mettre le doigt dessus… qu’il s’agisse de jeu, de batterie ou de chant, je ne sais pas… il y a quelque chose en lui qui est projetable et il aurait fait surface avec ou sans les Beatles. Ringo est un sacré bon batteur. Il n’est pas techniquement bon, mais je pense que la batterie de Ringo est sous-estimée… ».
Cependant, la mention « pas techniquement bon » a été soulignée par les fans et les critiques bien plus que les éloges et le mythe du « Ringo sans talent » s’est répandu.
Pour comprendre si Ringo Starr était ou non un bon batteur, il faut garder à l’esprit ce que Dave Grohl, frontman des Foo Fighters et ancien batteur du légendaire groupe grunge Nirvana, a dit de lui : « Définissez l’expression ‘meilleur batteur du monde’. Est-ce quelqu’un qui est techniquement compétent ? Ou est-ce quelqu’un qui s’intègre dans la chanson avec son propre feeling ? Ringo était le roi du feeling. »
La nature instinctive de la batterie de Ringo est en effet un élément fondateur de son style.
Comme il l’a expliqué un jour au talk-show Conan, chaque fois que les Beatles se retrouvaient en studio pour un nouveau disque, Ringo suivait le courant et jouait ses rythmes et ses remplissages d’une manière si spontanée qu’il lui était presque impossible de répéter la même séquence de batterie une deuxième fois.
Le style de batterie particulier de Ringo peut également être attribué à sa nature de gaucher, supprimée par sa mère pendant son enfance. Malgré le fait qu’il jouait de la batterie en tant que droitier, sa main gauche plus forte rendait son style un peu différent de celui des batteurs conventionnels.
Ses détracteurs, en revanche, affirment que Ringo n’a jamais eu de bonnes aptitudes à la batterie et que son style était trop simple.
C’est vrai ?
Première chanson
Ringo Starr n’a jamais été un batteur intrusif. C’est plutôt le contraire, en fait.
Il est souvent considéré comme un exemple positif par les batteurs professionnels pour sa capacité à ajouter juste ce qu’il faut de batterie dans une chanson, sans en faire trop.
Pour en revenir aux paroles de David Grohl, Ringo est en effet le roi du feeling. Il a un fort instinct sur les chansons qu’il joue et sait instantanément comment les enrichir sans excès.
Durant la première phase des Beatles, dans des chansons telles que She Loves You, la batterie de Ringo est simple mais efficace. Il ajoute du mouvement et de la dynamique, même sans interférer avec les voix et les instruments.
Une musique qui change à jamais
Vers 1965, les Beatles ont connu un énorme changement dans leur approche musicale. Rubber Soul est le premier exemple de ce changement, qui se poursuit à un niveau encore plus profond avec Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Dans cet album, il y a beaucoup d’expérimentations passionnantes en termes de production musicale. Avec cette sortie, les Beatles ont commencé à tester des effets sonores, des compresseurs, des limiteurs, le phaser, l’enregistrement à rebours, différentes techniques de prise de son et de nouvelles solutions sonores pour capturer l’essence de la batterie de Ringo.
Le jeu de batterie lui-même a changé radicalement.
Le charleston légèrement intrusif de Eight Days A Week, par exemple, a été remplacé par le tam-tam d’introduction de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, suivi d’un tambourin plus doux dans With a Little Help from My Friends.
Dans cet album, on peut également percevoir le rythme swinguant naturel de Ringo. La chanson Lucy In The Sky With Diamonds en est un excellent exemple.
Ringo a changé la batterie à bien des égards.
L’une d’entre elles est l’utilisation de techniques d’étouffement particulières. Il utilisait n’importe quoi, du torchon au paquet de cigarettes, pour atténuer et obtenir un son qui corresponde vraiment à la chanson.
Il a également été l’un des premiers batteurs à baisser le volume de leurs kits, en opposition aux standards du jazz.
Un héritage solide
La batterie de Ringo a inspiré de nombreux artistes au cours des dernières décennies.
Par exemple, l’album The Sound Of Science de 1989 des Bestie Boys contient un échantillon de la batterie de Ringo dans The End.
En 2004, le producteur Danger Mouse a sorti un album mash-up qui contenait des échantillons de The White Album en conjonction avec la version a cappella de The Black Album de Jay-Z. Dans cette expérience de fusion, la batterie de Ringo apparaît comme l’un des éléments les plus distinctifs.
Le groupe de rock The Chemical Brothers s’est également inspiré de Ringo pour ses chansons Setting Sun et Let Forever Be, dont le rythme est fortement influencé par la batterie de Tomorrow Never Knows.
L’influence de Ringo ne s’est d’ailleurs pas arrêtée à la fin des Beatles. La plupart de ses œuvres en tant que soliste mettent en avant ses approches funky de la batterie. Pour avoir quelques exemples, écoutez Back Off Boogaloo ou Oh My My.
En conclusion
Ringo Starr n’est peut-être pas le meilleur batteur de tous les temps, surtout d’un point de vue tape-à-l’œil. Cependant, ce que Lennon a déclaré dans cette interview de 1980 avec Playboy est vrai : Ringo est un talent naturel, qui sait parfaitement utiliser son « instinct animal ».
Son approche non intrusive des chansons et son « going with the flow » devraient être considérés comme des enseignements précieux par tout batteur.
Ou tout autre musicien.